CHAPITRE 11
Quelle heure est-il lorsqu’un bipode Impérial marche sur ton chrono ? L’heure d’acheter un nouveau chrono !
Jacen Solo, quatorze ans
La tache s’étalait sur la mâchoire de Jaina et sur son cou jusqu’à l’épaule, rangée d’ovales cramoisis là où le sang de son frère l’avait éclaboussée. Elle avait tenté de la laver avec du savon et de l’eau, avec du désinfectant chirurgical, et même avec l’enzoxygénée que les garçons de salle hapiens utilisaient pour nettoyer l’infirmerie du Dragon Fidèle. Elle essayait à présent d’y parvenir avec une pierre ponce relephonienne, n’hésitant pas à décaper les taches, mais cela revenait à essayer d’effacer une cicatrice de blaster. Elle semblait ne parvenir qu’à rendre la tache plus brillante et plus rouge.
Un faible sifflement s’éleva derrière Jaina et, dans le miroir au-dessus de son évier, elle vit la cloison de séparation devant sa chambre de convalescence glisser pour s’ouvrir. Avant qu’elle ait pu poser la pierre ponce, sa mère entra, ses minces sourcils froncés de surprise.
— Qu’est-ce que tu fais debout ? demanda Leia, la bouche plissée par le reproche, mais ses yeux marron étincelants de soulagement. Tu devrais être en transe de guérison.
— J’y étais, dit Jaina en reposant la pierre sur l’évier et en commençant à rincer les taches qu’elle avait sur les mains. Depuis une semaine, il me semble.
— Ouais, et bien il t’en faudrait une de plus, voire peut-être davantage, dit son père en arrivant à la suite de Leia dans la chambre exiguë. Luke n’avait pas l’air aussi mal en point après avoir réchappé au wampa.
— Super, merci papa.
Jaina leva les yeux vers le reflet de son père et ne trouva pas qu’il avait meilleure mine qu’elle. Les rides de son front étaient devenues si profondes que son visage, autrefois d’une beauté sauvage, était à présent livide ; les poches sous ses yeux étaient si grandes qu’elles ressemblaient à celles d’un guerrier Yuuzhan Vong, pas de Han Solo.
— C’est exactement ce qu’une femme devant un miroir a envie d’entendre, ajouta Jaina.
— Je suis ton père, dit-il en refermant la séparation derrière lui. J’ai le devoir d’être honnête.
— D’accord, mais es-tu obligé d’être aussi honnête ?
Jaina sourit, puis mouilla une serviette et essuya la poussière de la pierre sur son cou. Elle ne se rappelait pas vraiment de son extraction – ni de la deuxième partie du combat – parce que la grosse coupure affreuse qu’elle avait au-dessus de l’œil droit provenait d’un mauvais coup. Elle avait des souvenirs brumeux d’une longue course douloureuse, de ses jambes couvertes de tant d’éclats d’obus qu’elles émettaient un bruit de ferraille, d’être constamment à bout de souffle car elle ne pouvait pas remplir complètement ses poumons avec quatre côtes cassées.
La seule chose dont elle se rappelait ensuite était qu’elle titubait dans le hangar avec une compagnie de stormtroopers à ses trousses puis Jag, Zekk, sa mère et cinq ou six autres Jedi – d’accord, Jag n’était pas un Jedi, mais il s’était battu comme l’un d’eux – sortant de nulle part pour les repousser. Elle se souvenait de son oncle avertissant les autres de ses blessures tout en se précipitant pour l’aider, de la manière dont il était au courant de tous les coups qu’elle avait reçus sans même jeter un œil dans sa direction.
Mais ce dont elle se rappelait le plus était la peur sur le visage de son père lorsqu’ils l’avaient fait monter à bord du patrouilleur, de sa tête qui avait semblé se tourner à cent quatre-vingts degrés pour regarder par-dessus le dossier de son siège et de son visage qui avait pâli en voyant la tache de sang sur sa robe teintée de rouge.
— Chérie, tu ne peux pas laver ça, dit Leia qui s’était approchée de l’évier sans que Jaina ne s’en rende compte et qui se trouvait désormais à ses côtés pour prendre la serviette. Ce sont des brûlures.
— Non.
Jaina examina une fois de plus les petits ovales dans le miroir. Elle comprenait pourquoi sa mère les confondait avec des éclaboussures qui l’avaient brûlée – elles étaient brillantes et les bords en étaient très détaillés – mais sa mère n’était pas là-bas. Elle n’avait pas vu comment ces taches avaient été faites.
— Ça partira. C’est du sang. Le sien.
Jaina toucha le fond de l’évier avec la Force et sa mère lui retira la serviette.
— Jaina, elles partiront dès que tu retourneras dans une cuve à Bacta, dit Leia en la faisant pivoter vers son lit. Et si elles ne partent pas, nous réparerons la peau.
— Maman, je ne suis pas en état de choc à cause des combats, insista Jaina. C’est du sang ! J’ai été éclaboussée lorsque j’ai coupé le bras de Ja... heu, de Caedus.
— D’accord, du calme, on te croit. (Han fit le tour du lit puis lui prit le bras et la retourna de nouveau.) Mais ça ne part pas. Je vais demander à Luke s’il a du dissolvant spécial pour le sang de Sith.
— Du dissolvant pour le sang de Sith ? dit Jaina en laissant son père l’asseoir sur le lit. Papa, s’il te plaît. Je n’invente rien. Je me rappelle avoir été éclaboussée.
— Vraiment ? dit sa mère dont le ton peu convaincu laissait entendre qu’elle allait au moins tenter de traiter Jaina comme une adulte au cerveau légèrement embrouillé. C’est intéressant que tu te souviennes de ça, mais pas de grand-chose du reste du combat.
Jaina fronça les sourcils.
— Tu crois qu’il m’a effacé des souvenirs ?
Leia secoua la tête puis désigna la blessure sur le front palpitant de Jaina.
— Je crois que ça t’a fait perdre la mémoire. Le choc a mélangé tes souvenirs et tu ne te rappelles sans doute pas des événements exactement comme ils se sont passés.
— C’est-à-dire ? demanda Jaina.
Leia n’eut même pas besoin de réfléchir avant de répondre.
— Hé bien, te rappelles-tu de ce qui s’est passé avec Jag et Zekk ?
Han se mordit la lèvre pour s’empêcher de sourire, ce qui renforça le froncement de sourcils de sa fille.
— Ils ont participé à l’extraction, dit Jaina. Ils se sont tous les deux bien battus. Je m’en souviens.
— On parle de ce qui s’est passé ensuite, dit son père. Pendant qu’ils te chargeaient à bord du patrouilleur.
— Je, heu... (Jaina se tut et tenta de saisir l’image brumeuse qui flottait aux limites de ses souvenirs : un grand sourire blanc de Zekk et les yeux de duracier de Jag dans une situation très rare, écarquillés de surprise.) Je les ai remerciés ?
— On peut dire ça comme ça, répondit son père. (Il tira une chaise collée au mur jusqu’au bord de son lit et s’y laissa tomber en souriant.) Tu leur as demandé de coucher avec toi.
— De coucher avec moi ? demanda Jaina. Tous les deux ?
— Ben, en réalité, tu leur as proposé de t’installer avec eux, corrigea Leia. Tous les trois.
Jaina vit l’éclat dans leurs yeux et comprit ce qu’ils essayaient de faire.
— Très drôles, mais je suis sérieuse, dit-elle en se tapotant la gorge. Ce ne sont pas des brûlures.
— Tu crois qu’on a inventé ça ? demanda son père.
— Évidemment, dit Jaina. Vous faites un classique mouvement de Zeltron qui consiste à embarrasser le trouble-fête.
— Nous pourrions, mais ce n’est pas le cas, dit sa mère en riant. C-3PO a enregistré toute la conversation dans sa mémoire. Tu veux l’écouter ? Il est juste dehors.
— C’est inutile, dit Jaina.
Ses parents savaient tous les deux parfaitement bluffer, ce qui signifiait qu’ils n’auraient jamais tenté de le faire s’ils pouvaient être facilement démasqués. Elle se retourna et s’appuya contre la tête de lit puis demanda :
— Alors, ils ont dit oui ?
Son père leva un sourcil, secoua la tête et porta une main à son menton.
— Tu n’es pas prête pour ça, dit-il. Tu n’es pas assez patiente.
Jaina éclata de rire et fit courir un doigt sur les taches de son cou.
— S’il s’agit de brûlures, pourquoi ne font-elles pas mal ? Et pourquoi ma peau n’est-elle pas sèche ?
Son père ferma les yeux, exaspéré, mais sa mère dit :
— Tu as passé du temps en transe de guérison, Jaina.
— Et elles auraient donc dû être guéries maintenant, répondit Jaina, si c’étaient des brûlures.
Son père ouvrit les yeux puis lui prit la main.
— Ecoute, c’était un combat difficile, dit-il. Et Luke est quasiment certain que tu as raison à propos du bras. Il est naturel que tu te sentes un peu coupable.
— Je ne me sens pas coupable, objecta Jaina. (Elle sentit le regard de sa mère posé sur elle puis s’aperçut qu’elle n’était pas tout à fait honnête.) Pas beaucoup en tout cas, pas assez pour imaginer des choses.
— Très bien, nous demanderons à Cilghal d’y jeter un œil, dit Leia. Il y a peut-être une autre explication.
— Forcément. (Jaina voyait bien que sa mère n’avait pas besoin d’une autre explication, mais sa réponse, tout à fait raisonnable, servait à couper court à une discussion qui ne lui semblait pas nécessaire.) La Force essaie peut-être de me dire quelque chose.
Son père gigota et eut l’air plus mal à l’aise qu’il ne l’avait jamais été. Sa mère acquiesça comme si elle croyait en cette possibilité, puis s’assit au bout du lit.
— D’accord, dit Leia. Tu as une idée de ce que ça pourrait être ?
— Peut-être.
Jaina ne savait pas comment ses parents allaient prendre ce qu’elle allait dire, parce qu’elle ne savait pas elle-même ce qu’elle ressentait : cherchait-elle à échapper à un sale boulot qu’elle n’avait pas achevé ou avait-elle abandonné son frère trop tôt lorsqu’elle avait décidé de le tuer ?
— Je ne suis pas sûre de bien m’en rappeler, mais je n’étais pas la seule à être troublée à la fin du combat, dit-elle. Lorsque je lui ai coupé le bras, Caedus semblait surpris que ce soit moi.
— Quoi ? demanda Han. Il pensait qu’une fille n’en était pas capable ?
— Non, ce n’est pas ça, dit Jaina. Il a semblé ne pas se rendre compte qu’il me combattait jusqu’à ce nous avons cessé et lorsqu’il s’en est aperçu, il a cessé d’attaquer.
— Bon, il lui manquait un bras, fit remarquer Leia.
— Mais deux stormtroopers tentaient de me tuer, expliqua Jaina. Il leur a ordonné de dévier leurs tirs.
Ses parents se regardèrent un moment puis Leia demanda :
— Et tu crois que cela a quelque chose à voir avec ces marques sur ton cou ?
— Je pense que oui, dit Jaina avant d’inspirer profondément. Et si nous avions tort ? Et si Jacen était toujours là quelque part ?
Le visage de son père se durcit.
— Ce n’est pas le cas.
— Mais il m’a laissé partir.
— Ce n’est pas ce qu’il m’a semblé lorsque tu es arrivée dans le hangar avec tous ces stormtroopers sur les talons, dit sa mère. Quant à ce qui est arrivé après que tu lui aies coupé le bras, il était sans doute en état de choc. Tu as dit toi-même qu’il avait l’air aussi troublé que toi.
— C’est vrai, convint Jaina. Et mes souvenirs ne sont pas précis. Mais ces taches...
— Peuvent signifier tout un tas de choses, pour autant qu’il s’agisse de taches, l’interrompit son père. Et si Caedus t’a laissé partir, ce n’est pas parce qu’il ne voulait pas combattre sa sœur.
— Ton père a raison, dit Leia. Tu es la seule de la famille qu’il n’a pas tenté de tuer. Ce serait une erreur de croire qu’il y a là autre chose qu’un accident dû aux circonstances.
Jaina savait bien qu’ils avaient raison. Même si Caedus avait hésité, cela n’excusait pas ce qu’il avait fait dans le passé et cela ne voulait pas dire qu’il hésiterait de nouveau. Mais il avait dévié les tirs qui la visaient. Une partie de Jaina voulait croire que cela indiquait qu’il restait un espoir de sauver Jacen. Une autre se souvenait que Caedus était alors grièvement blessé et qu’il avait cru voir Luke ailleurs. Cela ne lui avait pas paru logique sur le moment – et ça ne l’était toujours pas – mais qu’y avait-il de plus cohérent ? Qu’un Seigneur Sith se soit brusquement ramolli ou qu’il ait fait un choix tactique basé sur une hallucination provoquée par le choc ?
— D’accord, dit Jaina en hochant la tête. Essayons de découvrir ce que sont ces marques, parce que ce ne sont pas des brûlures.
Sa mère acquiesça.
— Nous demanderons à Cilghal de regarder dès que nous serons revenus sur Shedu Maad.
Jaina fronça les sourcils.
— Nous rentrons ? demanda-t-elle. Mais Caedus est sur Nickel Un.
— Entouré par trois de ses flottes et six de la Confédération et de notre coalition, expliqua son père. Les Corelliens et les Bothans ont sauté dans la bataille et le système de Roche se transforme en tempête de feu.
— Luke pense que notre combat va se déplacer du système de Roche, dit Leia. Et tu as besoin de temps pour guérir.
Avant que Jaina ait pu demander où Luke pensait que le combat irait, la séparation s’ouvrit et la forme dorée de C-3PO apparut dans l’ouverture.
— Désolé de vous interrompre, dit le droïde. Le Mand’alor Fett demande à parler à Jaina.
— Fett ? dit Han en se levant brusquement. Pas question. Dis-lui qu’elle...
— Je ne resterai pas longtemps, dit Fett en poussant C-3PO.
Il portait son nouveau beskar’gam vert sans casque, une concession, sans doute, à l’efficacité têtue des forces de sécurité hapiennes qui avaient tendance à voir d’un mauvais œil les étrangers masqués qui erraient autour de leurs Dragons de Guerre. Ses yeux d’un marron terne ne trahissaient pas la colère que Jaina sentait grâce à la Force.
— J’ai juste besoin d’un bref compte rendu post-bataille, dit-il.
— Désolé, dit le père de la Jedi en faisant un pas en avant. (Jaina savait que ce n’était pas la première fois que Han Solo voyait Boba Fett sans son casque, mais le regard de son père semblait pourtant rivé au visage carré et basané de Fett.) Elle n’est pas en état de...
— Papa, l’interrompit Jaina. C’est bon. Il a le droit d’entendre ce qui est arrivé, ce dont je me rappelle en tout cas.
Son père la regarda et se renfrogna, puis il se tourna vers Fett et se renfrogna encore plus.
— En vitesse alors. Elle a beaucoup souffert.
Fett acquiesça.
— Comme nous tous.
Pendant un instant, les deux hommes se dévisagèrent, Fett attendant que les parents de Jaina partent, son père lui faisant comprendre que cela n’arriverait pas. À l’extérieur de la chambre, Jaina aperçut un autre Mandalorien en armure derrière C-3PO. Elle ne le voyait pas assez bien pour pouvoir l’identifier, mais à en juger par sa taille et la façon dont il surveillait les arrières de Fett, elle supposa qu’il s’agissait du second de Fett, Beviin.
Ce fut Leia qui mit fin à l’affrontement.
— Nous n’irons nulle part, Mand’alor. (Contrairement à Han, elle prenait soin de s’adresser à Fett en utilisant son titre.) Si tu as quelque chose à demander, vas-y. Sinon, Han a raison, Jaina doit se reposer.
Fett regarda Leia comme un narglatch jaugeant une mère shenbit. Il acquiesça à peine puis se tourna vers Jaina.
— Je sais que Mirta et son équipe t’ont rencontrée à l’emplacement du FlakBlaster, dit-il. Ce que j’ignore, c’est s’ils ont réussi.
Jaina ferma les yeux. Ces souvenirs – ceux de ce qui était arrivé à Mirta et aux deux premiers Mandaloriens – étaient trop vivaces.
— Ils n’ont eu qu’une poignée de Moffs, peut-être cinq ou six, dit-elle. Je ne sais pas lesquels parce que les Moffs n’étaient pas ma cible et la dernière partie de la bataille est un peu brumeuse pour moi.
— Brumeuse à quel point ? demanda Fett.
Jaina ouvrit les yeux et le vit en train d’examiner la blessure sur son front, espérant sans doute qu’elle avait oublié la partie de la bataille où ses commandos avaient achevé le reste des Moffs et s’étaient échappés.
— Pas si brumeuse que ça. (Elle se concentra un moment, essayant de se rappeler de ce qu’elle avait vu dans ces dernières minutes du combat.) Ton équipe a eu du mal à passer les gardes du corps, puis Caedus est arrivé.
— Et ?
— Et il a sauvé le reste des Moffs, dit Jaina. Je ne pense pas que tu aurais dû envoyer l’équipe après que leurs Tra’kads ont été touchés. Tu n’as fait que renforcer la main de Caedus.
Les yeux de Fett brillèrent de colère.
— Caedus n’était pas censé avoir de main, dit-il. Tu devais l’abattre.
Jaina résista à l’envie de lui dire que c’était Mirta qui avait gâché son plan. Il était inutile de renforcer la douleur qu’il ressentait déjà, et cela pourrait même s’avérer dangereux.
Malheureusement, le père de Jaina n’avait pas la même retenue qu’elle.
— Tu ne peux pas en vouloir à Jaina pour ça, dit-il. D’après ce que je comprends, elle l’aurait eu si les Mandaloriens savaient suivre les ordres.
Les yeux de Fett lancèrent des éclairs.
— Les Mandaloriens ne suivent pas les ordres des Jedi, dit-il en parlant entre ses dents serrées. Nous savons comment ils ont traité les clones.
— Sans doute parce qu’ils savaient qui les clones servaient en réalité, répliqua Leia. L’obéissance aveugle mérite encore moins de respect que le travail de mercenaire...
— Je crois que le sujet est clos, l’interrompit Jaina. (Elle lança un coup d’œil d’avertissement à ses parents puis à Fett.) À moins que vous n’essayiez de démarrer une autre guerre ?
Tous les trois se turent et se regardèrent.
— J’imagine que ça veut dire non, dit Jaina. Mirta a choisi son moment sans savoir où se trouvait Caedus, je m’en souviens bien, mais nous n’aurions sans doute pas pu le localiser. Caedus a eu une longueur d’avance sur nous tout le temps.
Fett détourna le regard de Leia et se tourna vers Jaina.
— Merci, dit-il. Et Mirta ?
L’estomac de Jaina devint creux et elle ne fut brusquement plus certaine de savoir s’il lui demandait comment elle était morte ou comment elle avait survécu. Malheureusement, dans les deux cas, la réponse était la même.
— Elle a été la première à partir, dit Jaina. (Elle vit le visage de Fett pâlir, mais il ne parut pas le moins du monde surpris. Il n’avait peut-être pas eu confirmation du sort de Mirta, mais il savait.) Je suis désolée, Boba.
Fett baissa la tête d’un air absent puis demanda :
— Tu en es sûre ?
Jaina acquiesça.
— Ça s’est passé longtemps avant ça, dit-elle en montrant sa blessure à la tête. Je m’en souviens donc plutôt bien. Caedus l’a jeté dans un coin et elle est retombée sur la tête.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire, Jedi, dit Fett. Tu es sûre qu’elle est morte ? Elle ne bougeait plus ?
— Je ne sais... laisse-moi réfléchir.
Jaina ferma les yeux et tenta de se rappeler si elle avait eu le temps d’étendre sa conscience dans la Force jusqu’à Mirta, si elle avait au moins eu le temps de regarder dans sa direction. Elle ne vit rien ; elle ne se souvenait pas de Mirta après ça.
— Je ne me rappelle pas. Je ne sais même pas si j’ai eu le temps de regarder.
— Alors, tu ne sais pas si elle est morte, hein ? demanda Fett avec un mélange d’espoir et de reproche dans la voix. Elle pourrait tout aussi bien être en vie. Tu es partie sans vérifier.
Jaina réfléchit à cette accusation en se rappelant combien la bataille avait été sauvage et commença à se sentir très coupable.
— Sans doute, avoua-t-elle. Mais je ne veux pas te donner de faux espoirs. C’était une longue chute et je connais Mirta. Si elle avait pu bouger, elle se serait battue.
— Bien entendu, c’est une Mandalorienne. (Ce que Fett oubliait de dire, mais Jaina savait qu’il y pensait, était que les Mandaloriens n’abandonnaient pas des camarades tombés au combat, blessés ou morts.) Mais elle n’aurait pas bougé si elle était simplement...
— Tu n’avais pas à te soucier de Mirta, dit Luke qui venait d’arriver à l’entrée de la chambre dans sa robe noire habituelle. (Il avança et alla se placer face à Fett.) Tu n’as pas le droit d’être ici et d’en vouloir à Jaina pour quoi que ce soit. Vous vous êtes insérés dans notre mission en pensant vous servir de nous comme boucliers.
— Et vous vous êtes assurés que nous en subissions les conséquences.
Il y avait plus de douleur dans la voix de Fett que Jaina l’aurait cru capable d’en montrer. Elle comprit alors pourquoi il était vraiment venu et il s’agissait moins de découvrir la vérité que de trouver quelqu’un sur qui rejeter la faute. Il la montra du pouce et reprit :
— Elle aurait pu l’avoir si vous vous en étiez tenu à votre plan, Jedi.
— Ou si vous aviez proposé de travailler avec nous au lieu de nous utiliser, répondit Luke calmement. Et la première option, au passage, est toujours possible.
— Pas pour nous, répliqua Fett en se tournant vers Jaina. Merci pour ces informations, Jedi.
Fett parla sur un ton qui laissa entendre qu’il ne la remerciait pas vraiment et Jaina décida qu’elle ne lui servirait pas de bouc émissaire plus longtemps, et que cela pourrait même s’avérer dangereux. Lorsqu’il se tourna pour partir, elle tendit une main vers lui.
— Attends.
Fett s’arrêta et tourna la tête sans que son corps ne suive.
— Tu te rappelles d’autre chose, Jedi ?
— En fait, oui, dit Jaina. Je ne sais pas ce qui est arrivé à Mirta et j’en suis désolé. Mais c’est toi qui as choisi d’aller attaquer les Moffs sous le nez de Caedus.
— Mandalore se doit d’honorer son traité, dit simplement Fett. Je devais agir.
— Tu aurais pu agir de bien des manières, répliqua Jaina. Mais tu voulais que Caedus sache que tu étais derrière tout ça et maintenant tu as entraîné Mandalore au beau milieu de la guerre. Et pour quoi ? Ta vengeance personnelle.
Les yeux de Fett se plissèrent.
— Tu es sûre que cela te regarde ?
— Ça me regarde depuis que tu as envoyé Mirta sur Nickel Un, dit Jaina. Elle n’y était pas par ma faute. Tu croyais vraiment qu’appâter Caedus ne te coûterait pas ? Qu’il ne t’arracherait pas une partie de toi et qu’il ne va pas continuer ?
— Je croyais avoir entraîné quelqu’un pour l’abattre, répliqua Fett.
— Et je le ferais, dit Jaina. Mais c’est la guerre, pas un assassinat, et dans une guerre tout le monde subit des pertes.
Fett l’examina un moment puis la colère dans ses yeux se transforma en énigme. Comme elle ne reprenait pas, il finit par demander :
— Tu as terminé, Jedi ?
Jaina acquiesça.
— En gros, oui.
Elle ne prit pas la peine de se demander si elle l’avait atteint ou non. Boba Fett avait toujours été une créature amère et revancharde, et elle se disait qu’il était trop tard pour qu’il change.
— Tire droit et cours vite, Boba.
Fett eut un franc sourire.
— Merci du conseil, Jedi, dit-il. Meurs fièrement.
Il passa près de Luke et sortit de la chambre de convalescence, les deux parents de Jaina jetant des regards mauvais à son dos.
— Ne lui tirez pas dessus, dit-elle en riant. C’est comme ça qu’on dit bonne chance en Mando.
Son père se renfrogna un peu plus.
— Drôle de langue, dit-il en la regardant. Tu n’espères pas qu’il écoute ton conseil, hein ?
— J’ai bien peur que, même s’il le faisait, cela ne servirait à rien, dit Luke. Ce qui reste de la Cinquième Flotte est déjà en route pour bombarder Mandalore.
Han siffla.
— Ça ne va pas être beau à voir.
— En effet, dit Luke. Mais cela bloquera les Bes’uliik mandaloriens qui devront défendre leur planète alors qu’ils auraient pu être ici et faire pencher la balance en défaveur de Caedus.
Leia leva un sourcil.
— En sa défaveur ? demanda-t-elle. Cela signifie-t-il que tu as vu un élément décisif ?
Luke acquiesça.
— C’est le cas, dit-il en souriant et en sortant un morceau de flimsiplast de sa robe. Selon les renseignements hapiens, Bwua’tu est en chemin pour reprendre la tête des opérations sur le système de Roche.
Jaina n’aimait pas ce que cela impliquait. Bwua’tu était l’amiral le plus compétent et le plus fidèle de Caedus et il était généralement chargé des théâtres d’opérations où son frère ne se trouvait pas.
— Alors Caedus va retourner sur Coruscant ? demanda-t-elle.
Jaina n’aimait pas du tout cette éventualité ; sans Shevu, il serait quasiment impossible de trouver l’opportunité qui leur offrirait une chance raisonnable d’atteindre véritablement Caedus.
— Ça va compliquer les choses, ajouta-t-elle.
— En fait, non, dit Luke. Je ne crois pas que Caedus va retourner sur Coruscant.
Han haussa un sourcil.
— Tu crois qu’il s’agit d’une ruse ?
— Pas dans le sens que tu crois, dit Luke. Mais j’ai le sentiment que trouver Caedus ne posera pas de problème.
Leia plissa les yeux.
— Tu as vu quelque chose, n’est-ce pas ? (Elle montra le rapport des renseignements qu’il avait à la main.) Et je ne parle pas d’un morceau de flimsiplast.
— Non, ce n’est pas un rapport des renseignements. (Luke s’avança près du lit de Jaina, les yeux fixés sur les taches cramoisies sur sa gorge.) C’est bien plus sûr que ça.